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Quelle esparpille en lair de son sang deux poignees
Quand espuisant ses flancs de redoublez sanglots
De sa voix enroüee elle bruira ces mots :
« Ô France desolee ! ô terre sanguinaire,
Non pas terre, mais cendre ! ô mere, si cest mere
Que trahir ses enfans aux douceurs de son sein
Et quand on les meurtrit les serrer de sa main !
Tu leur donnes la vie, et dessous ta mammelle
Sesmeut des obstinez la sanglante querelle ;
Sur ton pis blanchissant ta race se debat,
Là le fruict de ton flanc faict le champ du combat. »
Je veux peindre la France une mere affligee,
Qui est entre ses bras de deux enfans chargee.
Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts
Des tetins nourriciers ; puis, à force de coups
Dongles, de poings, de pieds, il brise le partage
Dont nature donnoit à son besson lusage ;
Ce volleur acharné, cet Esau malheureux
Faict degast du doux laict qui doit nourrir les deux,
Si que, pour arracher à son frere la vie,
Il mesprise la sienne et nen a plus denvie.
Mais son Jacob, presé davoir jeusné meshui,
Ayant dompté longtemps en son coeur son ennui,
À la fin se defend, et sa juste colere
Rend à lautre un combat dont le champ est la mere.
Ni les souspirs ardents, les pitoyables cris,
Ni les pleurs rechauffez ne calment leurs esprits ;
Mais leur rage les guide et leur poison les trouble,
Si bien que leur courroux par leurs coups se redouble.
Leur conflict se rallume et fait si furieux
Que dun gauche malheur ils se crevent les yeux.
Cette femme esploree, en sa douleur plus forte,
Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte ;
Elle void les mutins tous deschirez, sanglans,
Qui, ainsi que du coeur, des mains se vont cerchans.
Quand, pressant à son sein dun amour maternelle
Celui qui a le droit et la juste querelle,
Elle veut le sauver, lautre qui nest pas las
Viole en poursuivant lasyle de ses bras.
Adonc se perd le laict, le suc de sa poictrine ;
Puis, aux derniers abois de sa proche ruine,
Elle dit : « Vous avez, fêlons, ensanglanté,
Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté ;
Or vivez de venin, sanglante geniture,
Je nai plus que du sang pour vostre nourriture. »
Quand esperdu je voi les honteuses pitiez
Et dun corps divisé les funebres moitiez,
Quand je voi sapprester la tragedie horrible
Du meurtrier de soi-mesme, aux autres invincible,
Je pense encores voir un monstrueux geant,
Qui va de braves mots les hauts cieux outrageant,
Superbe, florissant, si brave quil ne treuve
Nul qui de sa valeur entreprenne la preuve ;
Mais lors quil ne peut rien rencontrer au dehors
Qui de ses bras nerveux endure les efforts,
Son corps est combatu, à soi-mesme contraire
Le sang pur ha le moins, le flegme et la colere
Rendent le sang non sang ; le peuple abat ses loix,
Quand espuisant ses flancs de redoublez sanglots
De sa voix enroüee elle bruira ces mots :
« Ô France desolee ! ô terre sanguinaire,
Non pas terre, mais cendre ! ô mere, si cest mere
Que trahir ses enfans aux douceurs de son sein
Et quand on les meurtrit les serrer de sa main !
Tu leur donnes la vie, et dessous ta mammelle
Sesmeut des obstinez la sanglante querelle ;
Sur ton pis blanchissant ta race se debat,
Là le fruict de ton flanc faict le champ du combat. »
Je veux peindre la France une mere affligee,
Qui est entre ses bras de deux enfans chargee.
Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts
Des tetins nourriciers ; puis, à force de coups
Dongles, de poings, de pieds, il brise le partage
Dont nature donnoit à son besson lusage ;
Ce volleur acharné, cet Esau malheureux
Faict degast du doux laict qui doit nourrir les deux,
Si que, pour arracher à son frere la vie,
Il mesprise la sienne et nen a plus denvie.
Mais son Jacob, presé davoir jeusné meshui,
Ayant dompté longtemps en son coeur son ennui,
À la fin se defend, et sa juste colere
Rend à lautre un combat dont le champ est la mere.
Ni les souspirs ardents, les pitoyables cris,
Ni les pleurs rechauffez ne calment leurs esprits ;
Mais leur rage les guide et leur poison les trouble,
Si bien que leur courroux par leurs coups se redouble.
Leur conflict se rallume et fait si furieux
Que dun gauche malheur ils se crevent les yeux.
Cette femme esploree, en sa douleur plus forte,
Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte ;
Elle void les mutins tous deschirez, sanglans,
Qui, ainsi que du coeur, des mains se vont cerchans.
Quand, pressant à son sein dun amour maternelle
Celui qui a le droit et la juste querelle,
Elle veut le sauver, lautre qui nest pas las
Viole en poursuivant lasyle de ses bras.
Adonc se perd le laict, le suc de sa poictrine ;
Puis, aux derniers abois de sa proche ruine,
Elle dit : « Vous avez, fêlons, ensanglanté,
Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté ;
Or vivez de venin, sanglante geniture,
Je nai plus que du sang pour vostre nourriture. »
Quand esperdu je voi les honteuses pitiez
Et dun corps divisé les funebres moitiez,
Quand je voi sapprester la tragedie horrible
Du meurtrier de soi-mesme, aux autres invincible,
Je pense encores voir un monstrueux geant,
Qui va de braves mots les hauts cieux outrageant,
Superbe, florissant, si brave quil ne treuve
Nul qui de sa valeur entreprenne la preuve ;
Mais lors quil ne peut rien rencontrer au dehors
Qui de ses bras nerveux endure les efforts,
Son corps est combatu, à soi-mesme contraire
Le sang pur ha le moins, le flegme et la colere
Rendent le sang non sang ; le peuple abat ses loix,
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