Les Tragiques
EAN13
9789999999670
Éditeur
NumiLog
Langue
français
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Les Tragiques

NumiLog

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Qu’elle esparpille en l’air de son sang deux poignees

Quand espuisant ses flancs de redoublez sanglots

De sa voix enroüee elle bruira ces mots :

   « Ô France desolee ! ô terre sanguinaire,

Non pas terre, mais cendre ! ô mere, si c’est mere

Que trahir ses enfans aux douceurs de son sein

Et quand on les meurtrit les serrer de sa main !

Tu leur donnes la vie, et dessous ta mammelle

S’esmeut des obstinez la sanglante querelle ;

Sur ton pis blanchissant ta race se debat,

Là le fruict de ton flanc faict le champ du combat. »

    Je veux peindre la France une mere affligee,

Qui est entre ses bras de deux enfans chargee.

Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts

Des tetins nourriciers ; puis, à force de coups

D’ongles, de poings, de pieds, il brise le partage

Dont nature donnoit à son besson l’usage ;

Ce volleur acharné, cet Esau malheureux

Faict degast du doux laict qui doit nourrir les deux,

Si que, pour arracher à son frere la vie,

Il mesprise la sienne et n’en a plus d’envie.

Mais son Jacob, presé d’avoir jeusné meshui,

Ayant dompté longtemps en son coeur son ennui,

À la fin se defend, et sa juste colere

Rend à l’autre un combat dont le champ est la mere.

Ni les souspirs ardents, les pitoyables cris,

Ni les pleurs rechauffez ne calment leurs esprits ;

Mais leur rage les guide et leur poison les trouble,

Si bien que leur courroux par leurs coups se redouble.

Leur conflict se rallume et fait si furieux

Que d’un gauche malheur ils se crevent les yeux.

Cette femme esploree, en sa douleur plus forte,

Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte ;

Elle void les mutins tous deschirez, sanglans,

Qui, ainsi que du coeur, des mains se vont cerchans.

Quand, pressant à son sein d’un amour maternelle

Celui qui a le droit et la juste querelle,

Elle veut le sauver, l’autre qui n’est pas las

Viole en poursuivant l’asyle de ses bras.

Adonc se perd le laict, le suc de sa poictrine ;

Puis, aux derniers abois de sa proche ruine,

Elle dit : « Vous avez, fêlons, ensanglanté,

Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté ;

Or vivez de venin, sanglante geniture,

Je n’ai plus que du sang pour vostre nourriture. »

    Quand esperdu je voi les honteuses pitiez

Et d’un corps divisé les funebres moitiez,

Quand je voi s’apprester la tragedie horrible

Du meurtrier de soi-mesme, aux autres invincible,

Je pense encores voir un monstrueux geant,

Qui va de braves mots les hauts cieux outrageant,

Superbe, florissant, si brave qu’il ne treuve

Nul qui de sa valeur entreprenne la preuve ;

Mais lors qu’il ne peut rien rencontrer au dehors

Qui de ses bras nerveux endure les efforts,

Son corps est combatu, à soi-mesme contraire

Le sang pur ha le moins, le flegme et la colere

Rendent le sang non sang ; le peuple abat ses loix,
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