L'enfant des ténèbres

Anne-Marie Garat

Actes Sud

  • Conseillé par
    19 mai 2015

    Vingt ans ont passé depuis les événements de Dans la main du diable. La petite Millie a bien grandi. L'enfant timide est devenue Camille Galay, une jeune fille intrépide, impatiente de quitter le cocon familial pour se forger ses propres expériences. Elle a suivi Jos, un photographe hongrois sur les routes d'Alabama, elle a côtoyé la misère, mais, celle qui a grandi dans les hauteurs de Brooklyn, entourée de parents aimants, sait qu'un monde la sépare de tous ces miséreux. A la mort de Jos, elle revient à Paris et se frotte au monde ouvrier en travaillant dans la célèbre biscuiterie Bertin-Galay, propriété de sa grand-mère. Très vite démasquée, elle attire l'attention de Simon Lewenthal, le directeur général de l'empire B&G qui l'a fait sauter sur ses genoux, au Mesnil, au temps de son enfance. Il pourrait être son père, mais Camille n'en a cure : elle sait qu'elle pourra vaincre les résistances de l'homme d'affaires. Mais avant de vivre pleinement ce nouvel amour, Camille doit tenir une promesse : aller en Hongrie pour remettre aux parents de Jos l'étui de cuir rouge que le jeune homme lui a confié. Son périple ne sera pas sans périls. L'Europe gronde d'une terrible rumeur de guerre. L'Allemagne se relève, menaçante; à Berlin, Hitler instaure la terreur.

    Après un premier tome magistral, Anne-Marie GARAT récidive, dans une moindre mesure, avec son Enfant des ténèbres. L'intrigue est un peu longue à se mettre en place, les histoires s'embrouillent plutôt que de s'entremêler et l'on a du mal à faire le lien entre les différents personnages. Voilà pour les bémols. Le reste est un régal. Au plaisir de retrouver ses personnages s'ajoute celui de la belle écriture de l'auteure.
    Cette fois, elle a choisi de mettre à l'honneur la jeune génération et l'on suit les tribulations de Pauline, Sassette et Millie. Les deux premières ont quitté les cuisines du Mesnil pour s'affranchir à Paris de leur condition de domestiques. La troisième, véritable héroïne de ce deuxième tome, est avide d'expériences et de liberté. Bien sûr, les ''vieux'' héros ne sont pas oubliés pour autant. Madame Mathilde a toujours la main sur les biscuiteries Bertin-Galay, secondée par son bras droit, l'ambitieux Simon Lewenthal. Pierre, qu'on croyait mort, a survécu aux bombardements de 14-18 et a rejoint Gabrielle en Amérique où il se consacre toujours à la recherche médicale.
    Les intrigues familiales pimentent un récit historique consacré aux années 33-34, moment-clé dans l'histoire de l'Europe. La SDN peine à maintenir la paix, le menace rôde. A Budapest, Varsovie, Vienne, Prague ou Paris, le bruit des bottes gronde. Toute cette tension transparaît dans le récit qui s'aventure aussi dans les méandres de l'espionnage, du contre-espionnage, des jeux de pouvoir entre états. Anne-Marie GARAT offre un roman très bien documenté et, à son érudition s'ajoutent son sens du récit et son style si particulier, riche et presque désuet. Elle peut raconter une rafle des SA à Berlin, s'inviter dans une réunion syndicale à Paris ou décrire les frissons de l'amour avec la même aisance, et le même brio.
    Malgré quelques longueurs, ce deuxième tome est tout aussi passionnant que le premier. On retrouve avec plaisir les membres de la famille Galay et leur entourage dans ces nouvelles péripéties. Une saga brillantissime.