Le crieur de nuit, roman

Nelly Alard

Gallimard

  • Conseillé par
    17 décembre 2010

    Le crieur de nuit

    La mort n’enlève pas la parole à ceux qui restent. Une fille, âgée de trente ans, bretonne d’origine, fait mémoire de son père dans ce court récit autobiographique. La famille n’est pas toujours le lieu où l’on s’épanouit dans un climat propice à la naissance de soi. La violence est là, prête à surgir. Souvenons-nous de l’histoire de Caïn et Abel, le mal est « à la porte tel une bête tapie qui te convoite ». Nelly Allard retrace les quelques jours qui suivirent l’annonce de la mort de son père jusqu’à l’enterrement. Les évocations du passé : la pêche, les repas, l’école… autant de souvenirs, heureux ou mal­heureux qui remontent spontanément à la mémoire. Comment dire au revoir à celui qui l’a blessée au long des années ? Etait-il jaloux de l’amour de ses enfants, rêvant d’avoir sa femme pleinement pour lui-même ? Un père, crieur de nuit, très tôt malade qu’il a fallu accompagner des années avec patience et dévouement. Une mère qui n’a jamais baissé les bras, toujours pré­sente, aimante, auprès de celui dont le comportement révélait violence et fer­meture. Chacun des enfants a tissé une relation unique avec le père comme avec la mère. Pour certains, il était mort depuis longtemps, le lien s’était distendu… Pour les autres, malgré tout, la relation demeurait vivante. Dans ces moments de deuil, il importe d’écouter ce qui surgit alors même que l’on pourrait croire que tout est fini. La musique des mots révèle en chacun que la vie continue, non sans liens.
    Franck Delorme


  • Conseillé par
    4 juillet 2010

    Dans ce roman (d’inspiration largement autobiographique), la narratrice s’adresse à son père qui vient de mourir. Tyrannique, autoritaire, violent : ce dernier lui faisait tellement peur qu’elle n’a jamais pu lui dire, de son vivant, ce qu’elle avait sur le cœur. Les cinq jours qu’elle va passer en Bretagne, à l’occasion des funérailles, avec frère, sœur et mère vont être l’occasion pour elle de solder ce passé qui lui est si longtemps resté en travers de la gorge…

    Dans le corps du roman, sont également insérés des passages du livre La légende de la mort chez les Bretons armoricains, d’Anatole Le Braz.

    La première partie de ce (trop?) court roman – disons, jusqu’à l’enterrement – est assez sombre. La narratrice se remémore son enfance, en compagnie de l’homme qu’était son père. Brimades, vexations, insultes étaient son lot quotidien, ainsi que celui de sa sœur Isabelle et de son frère Eric. Cette famille, coupée des autres en raison de la paranoïa du père, vivait alors dans une sorte d’autarcie affective, à la manière de ces pays qui se referment sur les délires de leur dictateur, obligeant les populations à faire le dos rond en attendant que ça passe. Et tant pis pour les dégâts…

    La seconde partie, si elle est un peu plus drôle, en raison de l’humour – souvent noir – dont font preuve les personnages, m’a plu davantage mais aussi laissée sur ma faim. Car ce roman, en forme de catharsis, ne fait qu’évoquer les séquelles de cette éducation au bord de la folie. Par pudeur sans doute, puisque bien souvent la voix de la narratrice se confond avec celle de l’auteure… Néanmoins, je regrette que Nelly Alard soit passée si rapidement sur son adolescence et sa vie de jeune femme. Les difficultés à se remettre debout après une telle enfance sont brossées à grands traits, c’est dommage car c’est là que se trouve le nœud du problème : comment devenir adulte, confiant, sûr de soi, autonome quand, durant l’enfance, on a été fragilisé à l’extrême, quand toutes les émotions ont été niées, les rêves détruits et les sentiments dévalués?

    Est-ce qu’on peut vraiment guérir d’une éducation qui pratique la violence au nom de l’amour? Vous le découvrirez, peut-être, en lisant Le crieur de nuit…


  • Conseillé par
    8 mai 2010

    «Tu es mort. Enfin.» Voilà la première chose que se dit Sophie en apprenant la mort de son père.
    Quatre mots qui en en disent long et qui nous préparent à découvrir quelle était l'attitude de ce père.
    Car ce roman est un livre sur la mort et où les souvenirs remontent à la surface. Tout y est dit avec des mots justes et remplis de pudeur, sur un ton sans fausse note.

    Ce huit-clos familial se déroule en Bretagne sur sept jours. Sept jours où Sophie va se délivrer du poids de son passé. Un père atteint de la maladie de Parkinson mais qui était un tyran pour sa famille. Autoritaire, égoïste, pouvant rentrer dans des rages folles allant jusqu'à traiter sa file de 8 ans de putain. Jamais de main levée, oh non, pas de bleus physiques mais des blessures profondes, indélébiles. On y perçoit aussi de brefs instants d'amour paternel. Rares et insuffisants. Les vacances n'en sont pas, il faut être au service et obéir à ce père. Sophie même arrivée à l'âge adulte et délivrée de la présence physique de son père en souffrira encore. La mère sera le bouclier fragile entre son mari et ses enfants. Sacrifice absolu elle s'en occupera lorsqu'il sera malade et dépendant.

    Tout le récit est entrecoupé de passages du livre " La légende de la mort chez les Bretons armoricains" d'Anatole Le Braz. Et ces extraient se glissent, s'insèrent parfaitement dans le livre expliquant le caractère de la mort en Bretagne.

    Un premier roman exemplaire et magnifique qui ne tombe jamais dans le mélo. Une fois de plus, j'ai terminé ce livre la gorge serrée d'émotions et c'est un très gros coup de cœur ...vraiment !

    Merci à Dialogues croisés, le club de lectures de Dialogues pour ce livre remarquable !