Grande peur du petit blanc (La)

Frédéric Paulin

Goater

  • Conseillé par
    17 décembre 2013

    La vie... Après...

    Je rencontre relativement souvent Frédéric Paulin dans certains salons de Bretagne, récemment encore à Lamballe. À part une nouvelle dans le recueil "Rennes, ici Rennes" réunissant les auteurs de l'association "Calibre 35", je n'avais encore rien lu de lui. Lacune qui va être comblée.
    Entre l'Algérie et la France, le destin de deux pays et de beaucoup plus d'hommes. Évocation débutant au milieu des années cinquante pour se terminer au début des années soixante-dix. Français militaires, Algériens combattant pour la pleine liberté de leur pays. Tous sont sortis brisés ou pour le moins meurtris de cette guerre qui, pour les politiques de l'époque, n'était "qu'une opération de maintien de l'ordre", suprême hypocrisie.

    Mais la guerre est-elle réellement finie? Trop de rancunes et de haines sont encore très présentes, des deux côtés pour qu'il n'y ait pas parfois des soubresauts de l'Histoire.
    Quelques heures après son arrivée sur le sol algérien, le régiment de Gascogne perd deux hommes abattus dans la rue. Le baptême du feu est immédiat et cruel. Les assaillants sont capturés et Gascogne va découvrir un autre côté de la lutte qui se déroule en Algérie. La torture!
    Les choses évoluent rapidement et pour différentes raisons ces hommes quittent l'armée, mais sont vite récupérés pour combattre l'AOS, avec les mêmes méthodes qu'eux. Entre-tuons-nous entre Européens, c'est toujours cela que le Front de Libération National n'aura pas à faire!
    Quelque part les accords d'Evian ne satisfont personne et la lutte souterraine continue et se propage en France.
    Et les erreurs ou les compromissions des uns ou des autres vont se payer au prix fort. La vengeance est longue à venir, mais elle arrive à son heure. Celle du trépas! Acraf Laïfaoui le combattant du FLN et Kader Mekchiche le harki ont en effet quelques raisons d'en vouloir à l'armée française. Mais à l'indépendance, les Algériens aussi se sont entre-tués, donc pour eux aussi certains comptes sont à régler, pourquoi pas par personne interposée? Même en Métropole!
    Louis Gascogne, Alain Chamouze,Victor Saint-Claire sont des soldats français, ils sont représentatifs de la diversité de la troupe. Louis Gascogne est lieutenant, l'armée a été un choix de vie, mais sans plus ; il manque réellement de convictions guerrières. A l'inverse Chamouze est une sorte de vétéran ayant combattu les allemands, puis le Vietminh. alors l'Algérie ou le Vietnam, il fait son boulot sans état d'âme. Saint-André est un jeune soldat de 2ème classe instruit et un peu idéaliste.
    Un roman qui traite d'un problème encore vivant aujourd'hui, "Les événements d'Algérie" dont les cicatrices sont toujours ouvertes des deux côtés de la Méditerranée, malgré le temps écoulé.
    Petit clin d’œil littéraire, (qui ne me rajeunit pas), l'évocation de Dominique Ponchardier, créateur du personnage "Le gorille" et inventeur du mot "Barbouze".
    Il ne faut pas oublier que les appelés furent très nombreux et pour la plupart se demandant ce qu'ils faisaient là. Ils ont payé un très lourd tribut à ces opérations. Certains choisirent de taire cette période de leur vie!*.
    Un livre comme je les aime, qui permet de découvrir plein de choses, les filières militaires clandestines pour le rapatriement des harkis en France, les commandos Dalta, le Mouvement pour la Coopération, plein de faits occultés par l'histoire officielle car elles concernent des gens ordinaires, qu'ils soient du bon ou du mauvais côté de la barricade!
    Cette lecture m'a permis de me promener dans Alger où j'ai travaillé plus d'un an et où je me suis marié! Et aussi à Rennes où j'ai œuvré de nombreuses années, mais où je n'ai rien fait de spécial!
    Une des plus belles phrases du livre et qui devrait servir de pensée à tous les belliqueux du monde entier:
    "Et quand tu es chez toi, à un moment ou à un autre, tu finis toujours par l'emporter sur celui qui n'est pas chez lui."