L'Œuvre
EAN13
9789999997270
Éditeur
NumiLog
Langue
français
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L'Œuvre

NumiLog

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9789999997270
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On était au printemps, Claude allait se remettre à son grand tableau,
lorsqu'une décision, prise en un jour de prudence, changea la vie du ménage.
Parfois, Christine s'inquiétait de tout cet argent dépensé si vite, des sommes
dont ils écornaient sans cesse le capital. On ne comptait plus, depuis que la
source paraissait inépuisable. Puis, après quatre années, il s'étaient
épouvantés un matin, lorsque, ayant demandé des comptes, ils avaient appris
que, sur les vingt mille francs, il en restait à peine trois mille. Tout de
suite, ils se jetèrent à une réaction d'économie excessive, rognant sur le
pain, projetant de couper court même aux besoins nécessaires ; et ce fut ainsi
que, dans ce premier élan de sacrifice, ils quittèrent le logement de la rue
de Douai. À quoi bon deux loyers ? Il y avait assez de place dans l'ancien
séchoir de la rue Tourlaque, encore éclaboussé des eaux de teinture, pour
qu'on y pût caser l'existence de trois personnes. Mais l'installation n'en fut
pas moins laborieuse, car cette halle de quinze mètres sur dix ne leur donnait
qu'une pièce, un hangar de bohémiens faisant tout en commun. Il fallut que le
peintre lui même, devant la mauvaise grâce du propriétaire, la coupât, dans un
bout, d'une cloison de planches, derrière laquelle il ménagea une cuisine et
une chambre à coucher. Cela les enchanta, malgré les crevasses de la toiture,
où soufflait le vent : les jours de gros orages, ils étaient obligés de mettre
des terrines sous les fentes trop larges. C'était d'un vide lugubre, leurs
quatre meubles dansaient le long des murailles nues. Et ils se montraient
fiers d'être logés si à l'aise, ils disaient aux amis que le petit Jacques
aurait au moins de l'espace, pour courir un peu. Ce pauvre Jacques, malgré ses
neuf ans sonnés, ne poussait guère vite ; sa tête seule continuait de grossir,
on ne pouvait l'envoyer plus de huit jours de suite à l'école, d'où il
revenait hébété, malade d'avoir voulu apprendre ; si bien que, le plus
souvent, ils le laissaient vivre à quatre pattes autour d'eux, se traînant
dans les coins.

Alors, Christine, qui, depuis longtemps, n'était plus mêlée au travail
quotidien de Claude, vécut de nouveau avec lui chaque heure des longues
séances. Elle l'aida à gratter et à poncer l'ancienne toile, elle lui donna
des conseils pour la rattacher au mur plus solidement. Mais ils constatèrent
un désastre : l'échelle roulante s'était détraquée sous l'humidité du toit ;
et, de crainte d'une chute, il dut la consolider par une traverse de chêne,
pendant que, un à un, elle lui passait les clous. Tout, une seconde fois,
était prêt. Elle le regarda mettre au carreau la nouvelle esquisse, debout
derrière lui, jusqu'à défaillir de fatigue, se laissant ensuite glisser par
terre, restant là, accroupie, à regarder encore.
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