Les Trois messes basses
EAN13
9789999998130
Éditeur
NumiLog
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Les Trois messes basses

NumiLog

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Drelindin din !... Drelindin din !...

C'est la messe de minuit qui commence. Dans la chapelle du château, une
cathédrale en miniature, aux arceaux entrecroisés, aux boiseries de chêne,
montant jusqu'à hauteur des murs, les tapisseries ont été tendues, tous les
cierges allumés. Et que de monde ! Et que de toilettes ! Voici d'abord, assis
dans les stalles sculptées qui entourent le choeur le sire de Trinquelage, en
habit de taffetas saumon, et près de lui tous les nobles seigneurs invités. En
face, sur des prie-Dieu garnis de velours, ont pris place la vieille marquise
douairière dans sa robe de brocart couleur de feu et la jeune dame de
Trinquelage, coiffée d'une haute tour de dentelle gaufrée à la dernière mode
de la cour de France. Plus bas on voit, vêtus de noir avec de vastes perruques
en pointe et des visages rasés, le bailli Thomas Arnoton et le tabellion
maître Ambroy, deux notes graves parmi les soies voyantes et les damas
brochés. Puis viennent les gras majordomes, les pages, les piqueurs, les
intendants, dame Barbe, toutes ses clefs pendues sur le côté à un clavier
d'argent fin. Au fond, sur les bancs, c'est le bas office, les servantes, les
métayers avec leurs familles ; et enfin, là-bas, tout contre la porte qu'ils
entrouvrent et referment discrètement, messieurs les marmitons qui viennent
entre deux sauces prendre un petit air de messe et apporter une odeur de
réveillon dans l'église toute en fête et tiède de tant de cierges allumés.

Est-ce la vue de ces petites barrettes blanches qui donne des distractions à
l'officiant ? Ne serait-ce pas plutôt la sonnette de Garrigou, cette enragée
petite sonnette qui s'agite au fond de l'autel avec une précipitation
infernale et semble dire tout le temps :

« Dépêchons-nous, dépêchons-nous... Plus tôt nous aurons fini, plus tôt nous
serons à table. »

Le fait est que chaque fois qu'elle tinte, cette sonnette du diable, le
chapelain oublie sa messe et ne pense plus qu'au réveillon. Il se figure les
cuisiniers en rumeur, les fourneaux où brûle un feu de forge, la buée qui
monte des couvercles entrouverts, et dans cette buée deux dindes magnifiques
bourrées, tendues, marbrées de truffes...

Ou bien encore il voit passer des files de pages portant des plats enveloppés
de vapeurs tentantes, et avec eux il entre dans la grande salle déjà prête
pour le festin. Ô délices ! voilà l'immense table toute chargée et
flamboyante, les paons habillés de leurs plumes, les faisans écartant leurs
ailes mordorées, les flacons couleur de rubis, les pyramides de fruits
éclatants parmi les branches vertes, et ces merveilleux poissons dont parlait
Garrigou (ah ! bien oui, Garrigou !) étalés sur un lit de fenouil, l'écaille
nacrée comme s'ils sortaient de l'eau, avec un bouquet d'herbes odorantes dans
leurs narines de monstres. Si vive est la vision de ces merveilles, qu'il
semble à dom Balaguère que tous ces plats mirifiques sont servis devant lui
sur les broderies de la nappe d'autel, et deux ou trois fois, au lieu de
_Dominus vobiscum_  !
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