Coup de griffes à Lyon
EAN13
9791091513081
Éditeur
Ribamar Editions
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Coup de griffes à Lyon

Ribamar Editions

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9791091513081
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Extrait
Chapitre 1
Élisabeth et Pierre venaient de terminer leur tour de parc quotidien. Ces deux jeunes étudiants s'obligeaient ainsi chaque matin à faire vingt minutes de footing dans le parc de la Tête d'Or. Ils variaient chaque jour leur itinéraire. En dehors de l'oxygénation que leur procurait cette promenade, oxygénation qu'ils considéraient comme indispensable pour des étudiants, Pierre assurait que cela lui donnait du tonus pour la journée. Élisabeth prétendait que le cadre, l'air empreint de la chlorophylle de cet immense parc étaient propices à l'étude. Rencontrant à cette heure matinale quelques écureuils peu farouches, ils s'attardaient à contempler certains animaux, placés dans un environnement assez proche de leur milieu naturel, qui eux aussi s'éveillaient aux premiers rayons du soleil. Ils terminaient leur parcours chaque fois sur un banc face à l'Île aux Cygnes. Pour rentrer chez eux, ils n'avaient que la place à traverser, non loin de la porte marquée par « Les enfants du Rhône » du sculpteur Pagny, et donnant sur la place du général Leclerc. Ils logent dans ce que l'on nommait autrefois une chambre de bonne, sous les toits. Leur budget d'étudiant ne leur permet pas d'être plus exigeants.
Le loyer est certes élevé par rapport à la petite surface de l'unique pièce. Les toilettes sont au fond du couloir. Mais ils ont la vue sur les quais du Rhône, la colline, et sur le parc dont ils peuvent, de leur fenêtre, admirer la grille monumentale rehaussée d'or, dessinée par Meynon et réalisée par Bernard vers 1900 dans un style foisonnant.
Lorsqu'ils retrouvent leur banc favori, ils tirent de leur mini sac à dos une veste de survêtement, une petite bouteille d'eau et, après s'être réhydratés, sortent un cahier ou un livre, et se plongent dans leurs études pendant une heure avant de regagner leur minuscule appartement et plus tard leurs facultés respectives.
Élisabeth est en deuxième année d'archéologie. C'est une charmante blondinette aux yeux noisette pétillants de malice. Un corps harmonieux grâce à une pratique régulière de gymnastique artistique. Elle fait quelques soirées de baby-sitting pour payer le loyer et une partie de ses études. Son sourire doit enchanter les bambins sous sa garde.
Quant à Pierre, en troisième année d'histoire, il commence son mémoire. Plus grand qu'Elizabeth, on sent le garçon bien dans sa peau. Adepte des sports de combat, il s'entraîne dans une salle une fois par semaine. Il donne quelques leçons particulières de mathématiques à des enfants du quartier. Il est d'ailleurs très apprécié des parents pour ses qualités pédagogiques. Ce pécule lui permet d'entretenir sa vieille 4L et de s'offrir quelques sorties avec Élisabeth. Ils sont tous les deux originaires de Chambéry. Après le baccalauréat, ils ont décidé de faire leur université à Lyon. Très amoureux l'un de l'autre, leur bonheur fait plaisir à voir.
Ils ont remarqué un homme d'un certain âge, assis chaque matin sur un banc à quelques mètres et qui semble absorbé par la lecture de son journal. D'où ils sont, ils peuvent presque lire les gros titres. En effet, les bancs sont très nombreux à cet endroit d'où l'on peut contempler des racines d'arbres plus que centenaires, plongeants dans le lac et entre lesquelles nagent silencieusement cygnes et canards.
Ils ne sauraient donner un âge précis à cet homme. Vêtu d'un costume sombre, d'une chemise claire, le col ouvert laissant voir un foulard de soie assorti noué très près du menton. Une élégance certaine se dégage du personnage concentré sur la lecture de son journal qu'il tient devant lui sans trembler.
Un matin, ils terminent leur tour du parc. Comme chaque fois, ils saluent le vieux monsieur d'un bonjour un peu essoufflé avant de rejoindre leur banc habituel à quelques mètres. Le vieux monsieur leur répond d'un hochement de tête suivi d'un « bonjour jeunes gens », très souriant.
C'est le meilleur moment de la journée, il fait encore frais, les premiers rayons du soleil font frétiller de mille feux la surface du lac tout près. Des canards peu farouches et habitués aux promeneurs franchissent le chemin qui les sépare de l'eau pour venir se dandiner aux pieds de nos deux étudiants qui s'empressent de se couvrir et de se désaltérer puis de se plonger dans leurs documents. Ce matin-là, le vieil homme fait le premier pas pour engager la conversation.
– Pardonnez ma curiosité, vous êtes étudiants ?
– Oui.
– Il est rare de voir deux jeunes étudiants venir chaque matin courir en ce beau parc et reprendre aussitôt leurs cours, assis sur un banc. C'est peut-être cela que l'on appelle un esprit sain dans un corps sain.
Il a souri en hochant la tête, un très beau sourire. Il est nu-tête, montrant un crâne un peu dégarni. Une belle barbe blanche lui donne un petit air de Victor Hugo. Pierre se tourne vers lui.
– Vous aussi, vous semblez apprécier ce calme matinal pour lire votre journal.
– J'habite juste en face. Je suis monsieur Guillaume Leroy. Mon concierge me donne le journal chaque matin. Je traverse la rue, je fais quelques pas dans les allées où je ne risque pas d'être bousculé par les visiteurs qui circulent dans le parc la journée, puis je viens m'asseoir là et je lis mon journal pendant une petite heure.
– Enchanté, je m'appelle Pierre et mon amie Élisabeth. Vous avez sans doute raison, l'air est meilleur le matin.
– Si je puis me permettre, quel est l'objet de vos études ?
– Je suis en deuxième année d'archéologie, dit Élisabeth.
– C'est curieux comme les femmes réussissent très bien dans ce domaine. Je pense à une certaine égyptologue... Et vous jeune homme ?
– Je suis en troisième année d'histoire, et comme vous le voyez, je travaille sur mon mémoire.
– Ah ! C'est intéressant. Et à quoi se rapporte votre mémoire ? Je me permets de vous demander cela, car je suis moi-même un ancien professeur d'histoire à la faculté.
– Alors vous devez connaître mon professeur, Monsieur Bertrand Lapaud , un grand, le crâne rasé, toujours très élégant, costume cravate.
– Vous savez, j'ai 85 ans, il y a très longtemps que j'ai quitté la faculté. J'ai bien fait quelques conférences après ma retraite, mais après le décès de ma chère épouse, je n'ai jamais plus entretenu de rapports avec mes anciens collègues, à part deux ou trois qui viennent me voir de temps en temps. Cependant, ce nom me dit quelque chose, Lapaud, un garçon très brillant, il devait être en dernière année lorsque je suis parti en retraite. Je crois me souvenir qu'il m'avait demandé quelques conseils pour son mémoire.
– Il est passionnant, très exigeant, mais on apprend beaucoup avec lui. Il fait le plein à tous ses cours.
– Moi-même, en toute modestie, je n'avais pas beaucoup d'absentéisme.
– J'ai commencé un mémoire sur les sociétés secrètes à Lyon.
– Très intéressant. On a beaucoup écrit sur ce sujet, les références ne manquent pas. Mais certaines ne sont pas très sérieuses, elles s'appuient sur des élucubrations. Le tri va être délicat. Si je puis vous être utile avec les quelques connaissances que j'ai sur le sujet, et aussi une importante bibliothèque, ce sera avec plaisir que je vous apporterai ma modeste participation.
– Je vous en remercie, Monsieur Leroy et j'accepte avec plaisir, car j'avoue que je me perds un peu dans tous ces auteurs qui prétendent connaître la vérité. Je n'hésiterai pas à avoir recours à vos connaissances qui doivent être très étendues. D'autant, qu'il semblerait que nous sommes voisins, nous habitons au dernier étage de l'immeuble qui est en face du quai.
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